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Géopolitique de la République de Maurice : quelles attentes désormais ?

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Dans un papier publié par l’hebdomadaire Business Magazinei, en mars 2020, nous disions, d’emblée qu’il n’y avait pas grand espoir que les positions géopolitiques de la République de Maurice changent dans les années à venir, voire dans cette nouvelle décennie du calendrier grégorien. Mais le SARS-Cov-2 a atterri, à Maurice, depuis, et avec la pandémie, et surtout, avec le ralentissement net des activités un peu partout dans le monde, les choses ont bien changé désormais. Que pouvons-nous attendre désormais des postures géopolitiques des autorités mauriciennes ?

Si nous devons toujours poser les problématiques de géopolitique interne, nous ne sommes pas cependant dupes car les autorités mauriciennes vont très probablement reporter les questions de géopolitique interne à la République à bien plus tard car la priorité du moment sera de « refaire » l’économie et de se concentrer, peut-être, plus à la géopolitique externe. N’empêche que nous posons les problématiques suivantes qui devront être adressées tôt ou tard, dépendant de la conjoncture.

Nouvelle République 

maurice

Le rapport entre l’île principale de la République de Maurice que la Constitution de Maurice décrit comme Island of Mauritius (que nous traduisons par Île Maurice), et les autres territoires de la République, est à repenser. Repenser pour une participation bien plus active, un rapport bien plus fécond entre l’île Maurice et les territoires constitutionnels mauriciens que sont Rodrigues, Agaléga, l’archipel des Chagos, St Brandon (Cargados Carajos) et Tromelin. L’intellectuel et journaliste mauricien Joël Toussaint avait proposé, en mars 2011, au Book Café, à Belle Rose, un concept d’État-fédéral où les différents territoires de la République aurait une autonomie maximale, avec, surtout, un rapport égalitaire. Un bon point de départ pour une réflexion sur une éventuelle vraie… deuxième République qu’on nommera projet de Nouvelle République car depuis la campagne électorale de 2014, ce concept de deuxième République sonne trop faux.

Repenser la République, c’est aussi fédérer les peuples et résidents et / ou natifs de l’île Maurice, de Rodrigues, d’Agaléga, des Chagos et de St Brandon – il n’y a aucun habitant de nos jours sur Tromelin – autour d’un projet commun, d’une destinée commune. Si Rodrigues bénéficie certes d’une autonomie quelconque depuis 2002 via la Rodrigues Regional Assembly Act, les autres territoires de la République mauricienne sont contrôlés directement par le gouvernement central sauf pour les Chagos et Tromelin où les contentieux sur la souveraineté mauricienne restent entiers malgré la reconnaissance claire de la souveraineté mauricienne sur les Chagos, en 2019, par la Cour internationale de justice et par l’assemblée générale des Nations-Unies. Agaléga aurait dû avoir une certaine autonomie aussi avec la création de l’Agalega Island Council, en 2004, mais le conseil n’a jamais réellement fonctionné et il n’a pas bénéficié non plus, il est vrai, d’un vrai soutien politique des différents gouvernements, de Port Louis.

Nous prenons le risque de dire que la représentation des territoires de la République est le cadet des soucis de nos élus et dirigeants – c’est très rare que nous entendons quelque chose dessus. C’est une problématique aussi pas très répandue parmi l’élite politique et intellectuelle du pays. La dominance de l’Island of Mauritius, un héritage colonial datant des Britanniques, est flagrante au Parlement : 60 sièges sur 62 (vingt circonscriptions sur vingt-et-une), à l’assemblée nationale mauricienne, revient à l’île Maurice ; Rodrigues a droit, elle, à deux sièges seulement avec une circonscription alors que la norme, pour l’île Maurice, est de trois sièges par circonscription. Pire, Agaléga est représentée depuis l’an 2000 seulement et cela, avec une incorporation dans la circonscription no. 3, Port Louis Est – Port Louis Maritime. Résultat : il n’y a pas et il n’y a jamais eu de député agaléen pour représenter Agaléga depuis vingt ans maintenant et même Shakeel Mohamed, député de la circonscription depuis 2010, a avoué, en juillet 2019, au Parlement, que les députés du no. 3 n’arrivent pas à s’occuper de leurs mandants, à Agaléga, faute de visites et de moyens logistiques adéquats ! 

St Brandon et Agaléga

La vingtaine de résidents de St Brandon dont beaucoup y séjournent la plupart de l’année, ne peuvent voter sur place et il n’y aucune représentation des 28 îlots de Cargados Carajos au sein de l’assemblée nationale mauricienne, 52 ans après l’indépendance du pays et 28 ans après la République ! Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, en 2019, lors de son discours, à l’assemblée nationale, en vue de la motion du gouvernement pour incorporer les Chagos dans une circonscription existante, a voulu faire l’avocat de St Brandon pour sa représentation somme toute légitime, mais il s’est fait ridiculiser par le Premier ministre !

Le gouvernement MSM-ML a bien voulu rajouter les Chagos à une circonscription existante, en juillet 2019 – chose que nous avions dénoncé, à l’époque, demandant plutôt une circonscription à part entière pour les Chagosii  – mais force est de constater qu’aux élections du 7 novembre dernier, les Chagos n’avaient toujours pas de représentation malgré le vote unanime de l’assemblée nationale mauricienne, le 12 juillet 2019, pour l’intégration des Chagos dans une circonscription existante. Et on n’a point entendu l’Electoral Boundaries Commission sur ce sujet depuis.

Carte 2



Nous étions les premiers à demander, en 2009, une circonscription à part entière pour Agalégaiii et donc, un député agaléen pour Agaléga. Nous étions également les premiers, en 2014, dans le sillage du White Paper du Premier ministre Navin Ramgoolam sur les réformes électorales, à demander qu’il y ait un député des Chagosiv, au Parlement mauricien, en sus d’un député pour la diaspora mauricienne, à l’étranger. Et nous avions même demandé qu’il y ait une nouvelle circonscription Agaléga – St Brandon qui permettrait aussi la représentation de Cargados Carajos, à l’assemblée nationale mauricienne.

Situation-de-tromelin

Quant à Tromelin, si jamais l’îlot devait être peuplé, ne serait-ce que de quelques personnes, un jour, il devrait, lui aussi, avoir une représentation mais Paul Bérenger, leader de l’opposition, en 2009, avait déjà proposé cette inclusion de Tromelin, St Brandon et des Chagos mais dans une circonscription existante, lors d’une Private Notice Question, le 21 novembre 2009, au Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam, qui avait déclaré qu’il allait présenter une motion, dans ce sens, à l’assemblée nationale, mais qui n’a jamais été présentée par la suite.

S’agissant d’Agaléga et de St Brandon, il est inconcevable – on avait écrit cela, en 2014v  – que l’Outer Islands Development Corporation (OIDC), structure parapublique dépassée mais qui gère toujours ces deux territoires de la République, devrait céder la place à un statut plus officiel, plus étatique, et moins dénigrant (il n’y a pas de présence administrative de l’État mauricien, à St Brandon), pour ces deux territoires riches en superficie maritime et en ressources halieutiques. 

Notre proposition de l’équivalent d’un préfet (un commissaire ?) pour Agaléga et St Brandon teint bon et, à notre avis, il faut une nouvelle législation pour combler le flou sur la souveraineté de l’État mauricien sur l’ensemble des îlots de St Brandon dont la moitié est la propriété du privé, sous la forme d’un bail à perpétuité, octroyée, en 1901, par l’administration coloniale, et confirmée par un jugement du Privy Council, en juillet 2008. Lequel bail qui pourrait être octroyé à la même société qui détient aujourd’hui les droits, Raphaël Fishing Company Limited, mais sous la forme d’un bail à durée limitée et renouvelable. 

Nouvelles villes

Et comment terminer sur les territoires de la République mauricienne sans mentionner l’absurdité que l’île Rodrigues ne soit même pas pourvue d’une ville ! Port Mathurin mérite amplement le statut de ville-capitale avec un élargissement tant du côté de Lascars Bay et Anse aux Anglais que du côté de Camp du Roi et peut-être, avec Oyster Bay – cela fait des années que nous le disons ! Mont Lubin et Petit Gabriel (ou autres localités de Rodrigues) et leurs environs pourraient aussi avoir le statut de ville vu leurs démographies respectives. Dans les années 70, au primaire, nous apprenions que la « capitale » de Rodrigues était Port Mathurin alors qu’en réalité, quarante ans après, Port Mathurin est resté au statut… rural !

Quant à Agaléga, un titre de chef-lieu devrait être conféré officiellement au « village » Vingt-Cinq et le statut de sous chef-lieu à Sainte Rita, dans l’île du Sud. L’île Raphaël, à St Brandon, devrait avoir le statut, elle aussi, de chef-lieu de l’archipel de Cargados Carajos – le véritable problème sera, en effet, le statut de l’île car, officiellement, c’est une île privée mais où tous les services gouvernementaux sont installés (National Coast Guard, station météorologique, les pêcheries etc.) ! 

Et, à l’île Maurice, les autorités devraient enfin accorder le statut de ville à nombre de « villages »très importants qui sont aujourd’hui non seulement très développés mais aussi quasiment urbanisés tels Rivière Noire-Tamarin, Grand Baie, Centre-de-Flacq, Triolet, Goodlands, Rivière du-Rempart, Moka-St Pierre, Mahebourg, Rose Belle-New Grove et Souillac-Surinam. Certaines localités devraient être annexées à des villes avoisinantes ou à la cité de Port Louis comme le  suggère le tableau suivant.

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Deux des villes existantes sont à repenser également. Faudrait-il séparer Beau Bassin (comprenant Mare Gravier et Coromandel) de Rose Hill pour avoir deux villes moyennes d’environ 50 000 habitants chacune ? Logiquement, Rose Hill devrait alors comprendre Ébène qui a été annexée à la ville de Quatre Bornes depuis un moment déjà. D’autre part, la ville exponentielle qu’est devenue Vacoas-Phoenix (104 654 habitantsxii avec Hermitage, d’un côté, et les Sept Cascades, de l’autre) ne devrait-elle pas être scindée, elle aussi, en deux pour en faire deux villes de tailles moyennes ?

Politique étrangère : statu quo ?

La politique étrangère de Maurice ainsi que ses rapports de force avec les puissances et blocs étrangers changent rarement. Hormis quelques bifurcations, à l’Est, et dans le camp socialiste, au temps de la Guerre froide, Maurice n’a jamais vraiment changé de politique étrangère depuis son indépendance même si certains rapports de force ont changé, au fil des décennies, s’agissant surtout du Royaume-Uni (écart), de la France et de l’Union européenne (rapprochement) et, enfin, de l’Inde (rapprochement important).

Maurice doit traduire, à nouveau, sa devise de « l’étoile et la clé de la Mer des Indes », en réalité. Déjà très présente au sein de nombre d’organisations régionales et internationales et porteuses de nombreux hubs dans la région, Maurice doit travailler en vue d’une fusion, à moyen terme, de la Commission de l’océan Indien (COI) et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA). Les sièges de ces deux organisations se trouvent à Maurice et le pays est un des membres fondateurs de ces deux organisations indianocéaniques. 

La France demande un statut d’observateur au sein de l’IORA, ce qui est plutôt bon signe pour un rapprochement entre la COI et l’IORA. La résistance pourrait venir de l’Union européenne qui finance la majorité des projets de la COI, avec la France, en appui. Comme tous les États membres de la COI, à part la France, sont membres de l’IORA, il ne fait plus de sens d’avoir deux associations différentes pour le bien commun du bassin Océan Indien.

C’est l’avocat et leader du  défunt Mouvement Républicain, Rama Valayden, qui disait voici une vingtaine d’années que Maurice devrait amener l’Inde et le Pakistan autour d’une table de discussions pour résoudre le problème du Cachemire mais trop tard, semble-t-il, car le gouvernement hindouiste nationale de Narendra Modi a déjà annexé l’État jadis autonome, selon la constitution indienne, de Jammu et Kashmir, au pouvoir central de New Delhi, sans l’autorisation ou un référendum quelconque – pourtant, prévu dans la constitution indienne, avant le 5 août 2019, avec les fameux articles 370 et 35a –  avec une restriction sans précédente de liberté de mouvement, d’internet, de communications téléphoniques, assignation à résidence de tous les leaders et élus politiques locaux etc. et un black-out aussi précédent sur l’état des choses dans cet unique État majoritairement musulman. 

Maurice soutient plus que jamais l’Inde et il n’y a aucune indication que les choses seraient différentes dans les années à venir et c’est plutôt le contraire qui devrait se passer car les puissances occidentales favorisent cette relation de très grande proximité de Maurice avec l’Inde que beaucoup considèrent comme la mère-patrie, à Maurice.

Les relations avec la France, l’Union européenne, la Chine et les États-Unis ne devraient connaître aucun changement majeur de même qu’avec les blocs régionaux africains (SADC, Comesa, Union Africaine). Un changement notable qui n’est pas passé inaperçu ces dernières années : l’ouverture vers l’Arabie Saoudite depuis 2015. Un changement de politique notable de la part des autorités mauriciennes qui renforce du coup, ses relations avec les Émirats Arabes Unis, l’Égypte etc. au détriment des adversaires du royaume saoudien tels que l’Iran et, surtout, le Qatar.

Difficile à prédire si Maurice continuera à jouer, à fond, la carte saoudienne mais le positionnement neutre de Maurice – pour s’aligner sur sa devise « amie de toute le monde et ennemie de personne » – devrait prévaloir au niveau du monde arabo-musulman, surtout dans les pays du Golfe. Mais ce positionnement de Maurice conforte les États-Unis et aussi, l’Inde, devenue depuis peu, proche tant des émiratis que des saoudiens. Reste à savoir si Port-Louis va finalement agréer à la mise sur pied d’une ambassade turque, à Maurice, au vu des échanges en hausse avec la Turquie.

Tromelin, Mayotte et Madagascar

Seul problème dans le monde arabe, pour Maurice, reste la question du Sahara Occidental que Maurice reconnaît depuis le gouvernement de 1982 mais qui empêche des relations « normales » avec le Royaume du Maroc qui ne reconnaît pas la souveraineté du Sahara Occidental. Avec plus d’un millier de Marocaines sur le sol mauricien depuis quelques années, le Maroc essaye de faire une percée, au niveau diplomatique, à Maurice, mais sans grand succès jusqu’ici. Maurice pourrait-elle, avec ses partenaires de la SADC, par exemple, faire pression sur le Maroc que le royaume chérifien accepte la tenue d’un référendum, au Sahara Occidental, pour l’autodétermination, comme recommandé par les Nations-Unies ?

Concernant Mayotte, Maurice joue la carte apaisée. La République mauricienne ne reconnaît pas Mayotte comme un territoire français – et encore moins, comme un département de France – mais elle ne le fait pas savoir, du moins, en public. Elle ménage bien-sûr ses relations avec la France mais Maurice peut très bien, fort de son expérience à l’assemblée générale des Nations Unies et à la Cour internationale de justice, aider le frère comorien à « récupérer » Mayotte que les Nations-Unies ne reconnaissent pas comme un territoire français, tout comme la Ligue arabe et l’Union africaine, entre autres.

Le succès de Maurice, à New York et à La Haye, devrait aussi lui permettre à aider l’autre frère malgache, au niveau international, sur leur revendication des Îles Eparses (Juan de Nova, Europe, Bassas da India, Îles Glorieuses) tout en proposant ses services de médiateur pour résoudre le contentieux malgacho-comorien sur les Îles Glorieusesxiii, notamment sur le banc de Geyserxiv.

Quant à Tromelin que Madagascar ne revendique plus depuis la fin des années 70 grâce à Paul Bérenger, Maurice devra choisir sa voie pour donner suite à la non-réalisation du projet de cogestion de l’îlot signé par la France et Maurice (où il n’était nullement question de souveraineté mais cogestion scientifique, environnementale/ressources halieutiques et archéologique), en 2010, mais qui n’a jamais été ratifié par l’assemblée nationale, en France, comme veut la législation française.

Deux fois retirés de l’agenda de l’assemblée nationale française depuis 2010, il n’y a plus grand espoir que la cogestion de Tromelin devienne une réalité. Que fera Maurice ? Aller à l’assemblée générale des Nations-Unies comme ce fut le cas pour les Chagos et éventuellement, à la Cour internationale de justice, encore une fois ou trouver une solution, à l’amiable, avec le pays « ami » qu’est la France ? Quant à nous, depuis plusieurs années et depuis notre thèse de doctorat sur la géopolitique de la République de Maurice, en 2013, nous optons pour une solution de co-souveraineté calquée sur le modèle du condominium des Nouvelles-Hébrides entre la France et le Royaume-Uni. 

Nouvelle carte des ambassades ?

Sur le plan de notre diplomatie, comme nous l’écrivions, en mars 2015xv, il est grand temps que Maurice revoit ses représentations diplomatiques dans le monde. L’ambassade de Maurice, à Berlin, n’est vraiment pas d’une grande utilité et elle pourrait être convertie en consulat général afin d’ouvrir une ambassade mauricienne, en Afrique centrale ou en Afrique de l’ouest (Dakar ou Accra, par exemple). 

L’ambassade de Maurice, au Caire, également n’a plus son importance depuis l’ouverture et la promotion de l’ambassade, à Riyad. Il est clair que c’est Riyad qui « gère » aujourd’hui la politique arabe de Maurice et c’est un consulat général qui devrait plutôt être aménagé, au Caire, pour faire place à une nouvelle ambassade mauricienne, à Brasilia, dans un espace géographique où Maurice n’est pas présente, diplomatiquement parlant.

Il a été question de l’inutilité de l’ambassade, à Kuala Lumpur, également ces dernières années et au vu des relations privilégiées avec Singapour, c’est plutôt là-bas qu’il faudrait une ambassade mauricienne ou à défaut, un consulat général de Maurice. Et la question se pose aussi pour le Canada où des dizaines de milliers de Mauriciens y sont mais sans ambassade ni consulat général. 

Quelle politique pour demain ?

Les affaires étrangères et la diplomatie sont souvent les parents pauvres dans les discours programmes et autres projets du gouvernement mais avec la nouvelle donne planétaire due au SARS-Cov-2 et à l’effondrement de l’économie des pays et blocs traditionnellement importants pour Maurice (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Union européenne etc.), que deviendra Maurice, demain ? Quelles seront ses nouveaux axes de coopération pour se réinventer ? Quels sont les nouveaux accords à privilégier, sur le plan régional et international ? Par exemple, Maurice favorisera-t-elle le concept de « Grand Océan Indien », cher à Didier Robert, président de Région Réunion, via l’IORA, pour se repositionner et se donner une place de choix ?

Au niveau de l’Afrique continentale, Maurice se rapprochera-t-elle d’un pays comme l’Ethiopie (via Ethiopian Airlines ?) qui est en pleine croissance, par exemple ? Le gouvernement va-t-il pousser Air Mauritius à s’allier avec un partenaire stratégique fructueux comme Air Seychelles l’a fait avec Etihad, en 2012 ?

Le pays va-t-il enfin se réveiller pour travailler et développer les terres qu’il a obtenues, au fil des Années à Madagascar, au Mozambique, au Congo-Brazzaville et au Ghana, entre autres, pour enfin assurer sa sécurité alimentaire et aider les entrepreneurs et industriels mauriciens à réussir ailleurs ? Maurice jouera-t-elle, à fond, la carte africaine, à plusieurs niveaux, pour se relancer ?

Maurice va-t-elle objectivement se rapprocher plus de la Chine en ces temps de post-confinement? Si oui, quelle sera la réaction de l’Inde, adversaire de toujours de la Chine ? L’ambassadeur Soodhun va-t-il trouver des partenariats clés avec l’Arabie Saoudite, par exemple, pour aider Maurice à sortir de la crise ? 

Et sur le plan interne, les autorités mauriciennes comprendront-elles, enfin, qu’une des solutions les plus durables pour l’économie mauricienne est ce que l’ex-ministre Arvin Boolell avait qualifié, en 2010, de « l’État-océan »xvi ? Un projet annoncé dans tous les discours-programmes de ces dix dernières années mais pas encore réalisé ! Le gouvernement actuel mesura-t-il enfin la portée de ce projet qui pourrait transformer le pays non seulement économiquement mais aussi politiquement, avec un positionnement fort et clé dans cette région du monde ? 

Beaucoup de questions, trop d’interrogations, et peu de visibilité en ces temps de déconfinement, à Maurice, mais nous souhaitons juste que les autorités ne se laissent pas influencer et dicter par les traditionnels « partenaires » tels le FMI, la Banque Mondiale, la Banque africaine de développement, l’Union européenne, l’AFD etc. Espérons que Maurice pourra faire preuve de créativité, d’innovation et de courage, sans succomber aux recettes venant de Washington DC, Paris ou Bruxelles !

Souhaitons que les autorités gouvernementales réunissent toutes les parties prenantes (société civile, politiques de tous bords, dirigeants d’entreprises, intellectuels etc.) pour non pas repenser l’économie mauricienne mais aussi et surtout, refondre Maurice de tous parts, en toute souveraineté, un acte de efase-refer (effacer et refaire) qui ferait non seulement le plus grand bien à la population mauricienne mais aussi aux dirigeants de la nation, à moyen terme !

Shafick Osman
(Docteur en géopolitique, Paris-Sorbonne, et chercheur associé, Florida International University, Miami)

i Cf. Shafick Osman, « Géopolitique : ce qu’on peut espérer des autorités mauriciennes pour la présente décennie », Business Magazine, 18 – 24 mars 2020, no. 1431, htps://www.businessmag.mu/article/geopolitique-ce-quonpeut-esperer-des-autorites-mauriciennes-pour-la-presente-decennie (consulté le 10 mai 2020).

ii Cf. Shafick Osman, « Non à l’intégration des Chagos dans une circonscription existante !», Le Mauricien, 17 juin 2019,
https://www.lemauricien.com/article/non-a-lintegration-des-chagos-dans-une-circonscription-existante/ (consulté le 5 mars 2020).

iii Ibid.

iv Cf. Shafick Osman, « Rodrigues, Agalega, St-Brandon, les Chagos et les mauriciens de l’étranger : Les oubliés de la République… », lexpress.mu, 6 avril 2014, https://www.lexpress.mu/idee/rodrigues-agalega-st-brandon-les-chagos-et-les-mauriciens-de-letranger-les-oublies-de-la (consulté le 5 mars 2020).

v Ibid.

 vi Cf. Digest of Demographic Statistics 2018, Regular Reports, Publications, Statistics Mauritius, 2018, http://statsmauritius.govmu.org/English/StatsbySubj/Documents/Digest/Demography/Digest_Demo_Yr18.pdf (consulté le 10 mai 2020).

vii Avec annexion de quelques autres villages/localité

viii Population 2018 : 4 442.

ix Population 2018 : 8 649 (Moka East).

x Population 2018 : 4 247.

xi Incluant Mon Choisy et Pereybère.

xii Cf. Digest of Demographic Statistics 2018, Regular Reports, Publications, Statistics Mauritius, 2018, p. 38, http://statsmauritius.govmu.org/English/StatsbySubj/Documents/Digest/Demography/Digest_Demo_Yr18.pdf (consulté le 10 mai 2020).

xiii Cf. Christian Bouchard, Shafick Osman & Christiane Rafidinarivo (2019) Southwest Indian Ocean Islands: identity, development and cooperation, Journal of the Indian Ocean Region, 15:1, 1-7, DOI: 10.1080/19480881.2019.1564133

xiv Ibid.

xv Cf. Shafick Osman, « Une chance pour Lepep de travailler sur la géopolitique de Maurice ? », Business Magazine, 10 au 16 mars 2015, https://www.businessmag.mu/article/une-chance-pour-lepep-de-travailler-sur-lageopolitique-de-maurice (consulté le 10 mai 2020).

xvi Cf. Osman Shafick, « Entretien avec Arvin Boolell Le vaste chantier de l’« État-océan » a commencé », OutreTerre, 2010/2 (n° 25-26), p. 429-431. DOI:10.3917/oute.025.0429.URL https://www.cairn.info/revue-outreterre1-2010-2-page-429.htm (consulté le 10 mai 2020).

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