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Les amendements dont on parle peu

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La loi est l’expression de la volonté générale, c’est en tout cas ce que l’on prétend depuis au moins la révolution française. Le COVID bill est, selon les communicants du gouvernement, une nécessité pour remettre le pays en marche. Même si plus de 180,000 travailleurs ne se sont jamais vraiment arrêtés de travailler, le gouvernement a, dans sa sagesse, choisi de revoir la loi du travail au détriment de droits durement acquis, comme les congés payés, les heures supplémentaires ou encore le droit de grève.

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Pour le philosophe Montesquieu, célèbre pour son ouvrage De l’Esprit des Lois : «les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. » Sur ce point, notre Premier Ministre s’accorde avec le philosophe car il nous a bien fait comprendre que le COVID bill est nécessaire pour sortir de la crise. C’est pour se faire que notre gouvernement a proposé d’amender 57 lois qui organisent les rapports dans la société mauricienne. La nature des choses dans notre cas étant, la crise sanitaire mondiale sans précédent.

Même si ce n’est précisé nulle part, l’esprit de cette loi devrait compenser les inégalités ou injustices résultant de la crise sanitaire. C’est, en tout cas, ce que l’on comprend de la communication véhiculée par les différents porte-paroles du gouvernement.

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Le titre choisi ne reflète pas forcément la campagne de communication qui accompagne la démarche gouvernementale, mais cherchons dans les amendements proposés les bonnes intentions exprimées publiquement par notre Premier Ministre. D’une perspective générale, le COVID bill propose des solutions qui touchent au sociale, aux relations industrielles, aux relations économiques, aux services publics, à la justice et aussi à la fiscalité.

Plusieurs mesures sont proposées pour rallonger les échéances qui ont expiré durant le confinement. Ceci afin de ne pas sanctionner les citoyens qui n’ont pu payer leurs factures ou encore, faire leurs déclarations fiscales ou d’ordre statutaire, dans le cadre de l’administration et de la gestion des personnes morales que sont les entreprises. Ces mesures, d’un point de vue du droit, auraient tout à fait pu être prises sous la forme de règlement par les différents ministères concernés, l’intérêt d’une seule loi est d’éviter les différences de traitement.

Au-delà de ces mesures d’ordre administratives, il y a celles qui concernent le comportement : Notre manière de faire les choses va devoir changer, nous devrons apprendre à avoir un nouveau comportement en société. Il sera dorénavant interdit de cracher en public et nous devrons nous astreindre à pratiquer le « social distancing » et à continuer la vigilance sanitaire pour éviter que le pays soit à nouveau plongé dans le confinement. Tout cela est mis en œuvre afin de garantir nos libertés qui semblent être étroitement liées à notre économie, si l’on s’en tient aux mesures préconisées pour la sortie de crise.   

La banque de Maurice

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La banque de Maurice se voit attribuer un nouveau pouvoir, celui d’investir dans les projets du gouvernement afin de stabiliser l’économie. Les pouvoirs de la banque tel que défini initialement sous la section 6 (1) paragraphe (o) prévoit pourtant déjà la chose suivante :

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Si l’on compare l’esprit de l’amendement proposé au paragraphe (oa) ci-dessous par le paragraphe (o) ci-dessus:

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On constate que la nécessité d’une sécurité assurée par le gouvernement disparait et que l’argent avancé par la banque de Maurice pourra être utilisé directement pour les projets du gouvernement. Par trois fois les amendements proposés sur trois sections différentes du COVID bill, font référence à la stabilité de l’économie mauricienne. Les sections relatives aux pouvoirs de la Banque de Maurice (section 6), aux conditions de gestion des devises étrangères (section 46) et au fond spécial (section 47). Le fond spécial qui rassemble les pertes et profits de l’année écoulée se voit également affublé d’un amendement qui fait mention de la stabilisation de l’économie mauricienne. Est-ce que stabiliser l’économie du pays est un nouveau pouvoir de la banque de Maurice ? Il est permis de se demander si de tels changements n’affecteront pas profondément l’esprit de la loi organisant le fonctionnement de cette institution. Les lois et conventions internationales s’attendent de la part de la banque de Maurice, qu’elle soit indépendante et sérieuse dans la gestion des affaires monétaires. Cela ne laisse pas beaucoup de place pour d’autres fonctions. Le COVID bill fait-il de la banque de Maurice la tirelire du gouvernement ? Cela ne risque-t-il pas d’exposer cette institution à une situation de défaut de paiement puisque l’Etat ne semble plus garantir les positions que prendrait la banque.

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 Section 47(4) : Special reserve fund

Le droit des compagnies

On constate la même tendance avec les amendements apportés au « Companies Act », le « registrar» obtient de nouveaux pouvoirs, notamment celui d’émettre des directives pour la bonne gestion du « Companies Act ». L’objet de cette loi, étant de fixer le cadre de fonctionnement des compagnies mauriciennes, la nouvelle fonction que le COVID bill attribue au « registrar » est notamment celle de fixer la limite pour le dépôt des comptes. C’est une obligation à laquelle toute personne morale doit s’astreindre sous peine de sanction. Le premier amendement proposé par le COVID bill commence par rallonger le délai pour l’enregistrement par le « registrar » du chiffre d’affaire de 6 à 9 mois. Une nouvelle section 20A concernant les pouvoirs du « registrar », vient amender ses fonctions de la manière suivante :

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Lorsque l’on compare avec la section d’origine:

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Il est clair que ces nouveaux pouvoirs offrent une toute nouvelle dimension à la fonction, on est en droit de se demander, si le « registrar » recevra des moyens supplémentaires, par exemple, pour élaborer les directives qu’il devra mettre en œuvre pour le bien des compagnies mauriciennes ? Le « registrar » dispose pour la première fois d’un pouvoir sur un moment fort de la vie entrepreneuriale, l’Assemblée Générale (AG). Cette dernière a pour fonction d’amener les dirigeants d’une compagnie à rendre des comptes à ses actionnaires. Contrairement à ce qui est l’usage, « le registrar » pourra repousser les AG si l’on s’en tient à l’esprit de cet amendement. Qu’en est-il du droit des actionnaires de participer à la vie de la compagnie où sont placés leurs investissements ?

Les autres amendements au « companies act » portent sur les sections 115 et 162, qui traitent respectivement, de la réunion annuelle des actionnaires et de la responsabilité des directeurs en cas d’insolvabilité.

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Section 115 « Companies Act » : Les parties surlignées ci-dessus démontrent que l’obligation d’appeler l’AG repose sur les directeurs

Après avoir donné au « registrar » le pouvoir de décider quand une AG pourra être appelée, le COVID bill vient soustraire les directeurs à leur obligation d’appeler un AG tous les 15 mois au maximum, avec l’amendement suivant :

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Les directeurs de compagnies font semble-t-il l’objet d’une attention toute particulière dans le COVID bill et bénéficie d’une exonération de responsabilité et d’une immunité judiciaire même sur des obligations qui relèvent de leur devoir, comme le prévoit la section 162. Cette section énonce les obligations des directeurs en cas d’insolvabilité de leur compagnie. Elle perd toute raison d’être avec l’amendement suivant:

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(COVID bill amendement à la section 162 du Companies Act)

Voici ce que prévoyait initialement la section 162 :

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Le COVID bill démontre une tendance à protéger les dirigeants et les compagnies plutôt que les droits des milliers de travailleurs mauriciens. Cette politique est encore plus marquée dans les lois suivantes :    

  1. Custom Act amended
  2. Income Tax Act amended
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Dans le premier cas, les bénéficiaires sont les importateurs qui voient le temps, normalement alloué pour s’acquitter des frais de douane, se rallonger de 7 à 16 jours. Ils voient également la durée dont ils disposent pour garder une marchandise s’étendre jusqu’à 36 mois. Qu’est-ce qu’un tel amendement peut bien avoir comme effet positif dans le cadre d’une sortie du confinement ? Il est évident en tout cas que ces mesures n’ont pas été envisagées afin de réduire la dépendance du pays à l’importation. Permettre aux importateurs de garder une marchandise en stock pendant 36 mois veut aussi dire que si le produit a une durée de vie, lorsque le consommateur l’achètera, sa durée de conservation sera plus courte.

Dans le deuxième cas, les changements qui s’opèrent dans le « Income Tax Act » nous dévoilent le pourquoi du comment des amendements au « companies act ». On trouve la chose suivante dans le COVID bill :

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Cet amendement nous apprend qu’uniquement les entreprises ayant bénéficié du « wage assistance scheme » devront payer le « levy ». Plus des deux tiers des salariés à Maurice sont employés par des PME. Il est vraisemblable que c’est ce type de structure qui a eu besoin de faire appel à l’aide de l’Etat pendant le confinement. Les PME auront-t-elles les moyens de s’acquitter du « levy » ? Par contre, tous les employeurs bénéficieront des avantages financiers que leurs rapporteront l’abaissement des conditions de travail. Qui profitera de la plus value obtenue des heures supplémentaires non-payées, des congés payés non-remboursés ou du travail à domicile sans rémunération supplémentaire. Les PMEs ou les grandes compagnies ? D’ici Juillet 2021, c’est avec l’argent qu’imprimera la banque de Maurice, payé par le contribuable, que le gouvernement fera tout pour sauver les entreprises.

Les amendements suivants sont importants car ils expliquent sous quelles conditions les personnes morales, que sont les entreprises, vont s’acquitter du « levy » :

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Il ne vous aura pas échappé dans les deux extraits ci-dessus, que le « levy » présenté par le gouvernement comme un accessoire pour sortir le pays de la crise ne sera collecté qu’à partir du mois de Juillet 2021. Cela ne concernera que les entreprises qui ont bénéficié du « Wage Assistance Scheme ». Ces dernières pourront choisir l’option la moins cher pour s’acquitter du « levy », soit le remboursement de ce dont ils ont bénéficié ou alors du paiement de 15% de ses revenus imposables.

Les mesures concernant le droit du travail sont les aspects du COVID bill qui ont essuyé le plus de critiques sur les réseaux sociaux. Les travailleurs vont perdre une partie de leurs revenus et ils subiront également de plein fouet l’impact de la flambée des prix. Est-ce cela l’esprit de ce COVID bill qui sera probablement devenu loi lorsque ces lignes seront publiées ? Malgré le ton obséquieux de « l’Attorney General » du gouvernement qui a défendu ce projet à la MBC, personne n’est dupe et l’opinion publique semble craindre ce que cache ce texte. Notamment parce que le législateur souhaite donner un effet rétroactif à ces changements, cela nous permet de penser que ce faisant, le COVID bill vient légaliser ce qui a déjà été fait depuis le 23 Mars 2020.

Parce que le législateur souhaite donner un effet rétroactif à ces changements, cela nous permet de penser que ce faisant, le COVID bill vient légaliser ce qui a déjà été fait depuis le 23 Mars 2020.

Sur la question de la rétroactivité des lois, le principe veut qu’il n’y ait  de rétroactivité que pour les lois fiscales principalement et pas pour les dispositions pénales surtout lorsqu’elles aggravent les sanctions. Il en est de même pour ce qui touche au droit civil car la rétroactivité implique défaire ce qui a déjà été fait ou rembourser ce qui a déjà été payé, comme le « night shift allowance » ou les heures supplémentaires.     

Le COVID bill semble avoir été écrit à plusieurs mains. On dirait que le rédacteur des parties concernant les entreprises et la fiscalité, était possédé d’un esprit à la compassion démesurée, alors que celui qui a écrit la partie concernant les lois du travail, n’avait que froideur et manque de considération à offrir.

1 COMMENTAIRE

  1. Companies Act Amendments are done especially to conceal record MK losses. Dec 2019 quarter results highlight operating losses at Rs 1.2 bn. For the period Jan-Mar 2020 – Rs200m per month aircraft leasing liability (6 new aircraft), loss of revenue due to suspension of flights to China, further appointment of political nominees and finally the lockdown itself would have given a result well in excess of Rs 2bn in losses.

    There is nothing wrong in publishing figures as they are as the world is aware of the effects of Covid-19. But in this case, after SBM, such figures going public would undoubtedly have damaged this government’s image beyond repair by laying bare the extent of mismanagement and wastage. There would simply have been no place to hide and the routine rhetoric of blaming the previous government would also not have worked.

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